PROJECTIONS DE FILMS D'ARTISTES


Reality Models, Ode to Seekers 2012, Googleplex & The Unthinkable Bygone
Andrew Norman Wilson

Cinémathèque Robert-Lynen, Paris
Mardi 15 novembre 2016


Andrew Norman Wilson, The Unthinkable Bygone, 2016. Vidéo HD, 2'18. Courtesy de l'artiste

Ode à la décroissance, pamphlet contre le fordisme digital et le nouveau prolétariat, lettre ouverte pour une autre carte du vivant, sonnet pour une identification plus sereine des individus : Andrew Norman Wilson, en satiriste averti, pénètre dans le vif de nos sociétés occidentales, anthropocentrées et violentes. Ses visions fabuleuses, pleines d'humour et de noirceur, ne sont ni roses ni désespérées ; elles appellent d'autres points de vue, une nouvelle réalité, plus équilibrée. Ses images et les musiques de ses films sont aussi persistantes que les sifflotements de Twisted Nerve de Bernard Hermann. Son œuvre est comme une piqure d'insecte ; ça pique, ça gratte…
Depuis sa tentative d'interwiever et de filmer, à la manière des Frères Lumière, la sortie à heure fixe des « Scanops » (ces travailleurs de quatrième catégorie, de l'ombre, munis d'un badge jaune, majoritairement non caucasiens) qui scannent les livres, page par page, pour Google en Californie, et n'ont aucun contact avec les autres employés, ni aucun de leurs droits et avantages, Andrew Norman Wilson ne cesse de s'interroger sur la place et la construction de l'individu dans nos sociétés. Avec The Unthinkable Bygone, il reprend, dans une courte boucle 3D, l'un des personnages de la série La Famille Dinosaure qui parodiait, dans les années 1990, notre société de consommation. Chacun des personnages porte le nom d'une compagnie pétrolière américaine ou d'une sorte de carburant. L'insupportable Baby Sinclair, nommé d'après une compagnie pétrolière dont le logo est un dinosaure, est ici coupé en deux, dans un labyrinthe de miroirs où il se reflète, au sein duquel il cherche à se reconnaitre et à se construire. En un raccourci historique fulgurant, nous comprenons que si Baby Sinclair – encore au stade du miroir de Lacan – ne change pas son regard sur lui-même et que les référents qui le construisent n'évoluent pas, il va droit à la catastrophe, au crash, à l'extinction, comme ses illustres prédécesseurs. Dans Reality Models, remake de la danse d'une marionnette désarticulée déguisée en épouvantail de Peppermint Park (émission éducative pour enfants sur le principe de Sesame Street), un programme qui l'avait terrorisé enfant, l'artiste questionne la réalité et sa mise en scène permanente : sommes-nous les hommes creux, les pantins, les hommes de paille d'un monde où l'image nourrit les désirs et les craintes faussent la réalité ?
Quant à Ode to Seekers 2012, il a pour cadre le quartier pour enfants du Rockland Psychiatric Center, Orangeburg, New York. Pionnière dans les années 1930, cette institution est tombée en désuétude après l'abandon successif des belles idées thérapeutiques qui y présidaient. L'artiste y filme les espaces en déréliction du point de vue d'un moustique… Après l'homme, l'espèce la plus menaçante du monde vivant est le moustique. Dans cette fable post-apocalyptique, Andrew Norman Wilson imagine – pour que la population humaine et son impact sur la planète décroissent – des modèles architecturaux souterrains, les « Mosquito City Units », où l'élevage intensif de moustiques permettrait cette décroissance… Derricks, seringues, trompes de maringouins, dans un vertigineux bal des vampires, sonnent le glas de nos modes de vie désinvoltes mais infectés. Ça pique, ça gratte…

Andrew Norman Wilson vit et travaille à Los Angeles. Parmi ses expositions récentes et en cours : Dreamlands, Whitney Museum of American Art (2016), the Gwangju Biennial (2016), the Berlin Biennial (2016), the Bucharest Biennial (2016), et On Sweat, Paper and Porcelain, CCS Bard in Annandale-on-Hudson, New York (2015), Art Post Internet, Ullens Center for Contemporary Art, Beijing (2014), Scars of Our Revolution, Yvon Lambert, Paris (2014), Image Employment, MoMA PS1, New York (2013).